Escort RS Turbo MKIII (1985-1986)

DU CŒUR AVANT TOUT…


Chez Ford, la lignée des sportives compactes est réelle. Mais a chaque génération ou presque, le constructeur à l'ovale semble s'obstiner à privilégier la cosmétique et le commerce à l'efficacité. Un choix d'autant plus curieux et agaçant que parfois ce paradoxe masque de réels raffinements techniques. En dévoilant au salon de Paris en 1984 la version RS Turbo, Ford pensait bien avoir mis le " paquet ". Mais las, les dessous frivoles de cette GTI pourtant très véloce, lui seront fatals...

 

Avec son Escort présentée en 1980, la modernité était de mise. Joliment dessinée et bien finie, elle était la voiture " mondiale " par excellence dans la catégorie des compactes (même si les variantes US étaient totalement différentes). Côté amateurs de sensations, Ford n'a pas ménagé les modèles malgré des performances souvent timorées : XR3, XR3i et RS 1600i. Mais pas de doute chez le constructeur américain, ses Escort européennes doivent se muscler car parmi les GTI la tempête fait rage et la course à l'armement est la règle. Pour aller cherche un regain de forme dans les années 80, le recours au turbocompresseur semble inévitable, surtout sans modification de cylindrée. Ainsi est née la "White Lightning"...

 

DESIGN


Avec son Escort, Ford visait la voiture mondiale. Pari quasi réussi, même si la version prévue sur le marché nord américain se distinguait tout de même très nettement de sa sœur européenne. Peu importe, pour être " mondiale ", une auto se doit donc d'adopter une carrosserie passe-partout. L'Escort est donc équilibrée offrant un profil sans faute de goût et quelques détails spécifiques comme les blocs optique arrière striés. Avec sa version RS Turbo , oubliez le passe-partout et la discrétion. Même à ses côtés, une XR3i est timide ! Avec son kit carrosserie et sa teinte uniformément blanche, elle en jette ! Difficile de ne pas se faire remarquer. Elle semble même singer la VW Golf GTI 16S Oettinger. Bas de caisse, élargisseurs d'ailes, becquet arrière proéminent, jantes alu de 15 pouces, feux longues-portées additionnelles rapportés sur la calandre comme sur les voitures de rallyes, la RS Turbo affiche très clairement la couleur. Avec elle il va y avoir du sport… On notera les coques de rétroviseurs peintes en blanc couleur caisse (un fait plutôt rare dans les années 80) et des strippings " RS " et bandes bleues dégradées sur les flancs. Malgré son caractère sportif, cette Escort conserve les aspects pratiques d'une auto lambda de sa catégorie, avec un hayon dont le seuil de chargement aurait pu être moins haut. L'habitacle se distingue toujours par de l'austérité et du sérieux avec une bonne qualité de finition dont les concurrentes françaises contemporaines auraient bien pu s'inspirer. L'attrait de la RS est d'offrir de série de très bons sièges baquets Recaro qui offre une position de conduite et un maintien efficace, même si du coup le volant se retrouve plus haut que sur une XR3i. Le volant trois branche à jante épaisse est gainé de... cuir (!), tandis que l'essentiel des commandes sont regroupées sur les côtés du combiné d'instruments. Dommage en revanche que l'instrumentation soit si pauvre avec juste compte-tours, tachymètre, jauge à carburant et température d'eau. Même pas de pression de suralimentation ! La grosse manette rouge-orangée sous la colonne de direction laisserait à penser que cette dernière est réglable. En fait il s'agit avant tout de l'ouverture du capot. Déjà relativement chère pour l'époque (9 500 FF de plus qu'une Ritmo Abarth, 3 300 FF de plus qu'une Delta HF Turbo ie ou encore 11 000 FF de plus qu'une Kadett GSI), la RS Turbo demandait quelques options pour bénéficier de l'équipement maximum. Il fallait donc débourser 5 100 FF de plus pour profiter du pack Tourisme (toit ouvrant, vitres électriques, fermeture centralisée).

 

MOTEUR


Bien que Ford souhaite mettre en avant un certain raffinement technique, c'est le bloc 1600 cm3 de la XR3 et non celui de la très réussie RS 1600i qui sera repris comme base de départ. Exit donc la culasse spécifique (conduits spécifiques et poussoirs hydrauliques abandonnés) sur la RS Turbo Mk1. En échange, un turbocompresseur Garret T3 avec échangeur air/air a été adopté. Avec cet équipement, le rapport volumétrique est passé de 9,5 à 8,3:1 grâce à l'emploi de nouveaux pistons renforcés et redessinés. Tout l'équipement du bas moteur a été revu et optimisé pour supporter les nouvelles contraintes. Ainsi, les axes de pistons, les têtes de bielles et les soupapes d'échappement (en Nimomic, un alliage spécial) ont été l'objet d'un soin tout particulier. La pression du turbocompresseur oscille entre 0,20 et 0,50 bars selon la température qui règne au sein du collecteur d'admission. La gestion électronique intégrale particulièrement évoluée à l'époque. Un microprocesseur gère alors le contrôle électronique de l'avance à l'allumage. 256 points de calages sont stockés dans ce micro processeur qui règle donc en permanence le point d'allumage en fonction du régime, de la charge et de la pression de suralimentation. Si la température mesurée dans le collecteur d'admission dépasse les 65°C, un clapet fait abaisser la pression de suralimentation à 0,25 bars. L'autre prouesse technique est d'avoir réussi à offrir un turbocompresseur qui souffle dès 1 500 tr/mn et de manière continue jusqu'à sa pleine charge à partir dee 3 000 tr/mn. L'Escort RS Turbo Mk1 offre ainsi une onctuosité et souplesse de fonctionnement dont peu de mécaniques turbocompressées pouvaient se prévaloir. Développant 130 ch à 6 000 tr/mn et 18,4 mkg, l'Escort offre des performances alors très convaincantes tant que le bitume est lisse. Son souffle sans égal lui autorise même de dépasser les 200 km/h en vitesse maxi, ce que ses rivales directes peinent à réaliser ou même échouent tout simplement. Un critère aujourd'hui de moindre importance en ces temps de répression routière et responsabilisation de chacun au volant, mais qui, en pleines années 80 avait son importance ! Le 0 à 100 km/h était avalé en 8,9 secondes et le 1 000 m départ arrêté en moins de 30 secondes. Des performances très bonnes, surtout que l'Escort était plus lourde que ses rivales. Toujours dotée de 5 rapports mécaniques, la transmission se distinguait par un différentiel à glissement limité logé dans le carter d'origine. Il s'agit d'un système Fergusson à accouplement visqueux qui assure un blocage progressif. Une technique déjà vue en compétition chez Peugeot ainsi que sur la Fiesta 1600 Groupe 2 au rallye de Monte Carlo 79.

 

CHASSIS


Une " gueule " d'enfer, un habitacle réussi et une mécanique louée par tous. L'Escort avait donc tout pour elle… sauf des dessous à la hauteur pour lui laisser exprimer tout son brio mécanique. En fait, l'Escort RS Turbo reprend les suspensions de l'Escort XR3i qui n'était déjà pas la référence en ce domaine dans la catégorie. Mais avec une mécanique au tonus plus avéré et évident, les carences en sont d'autant plus criantes. Repartant sur le système MacPherson à l'avant avec bras articulés, la RS Turbo adopte quelques spécificités. Si les combinés ressorts/amortisseurs sont plus durs et la barre antiroulis plus grosse, la barre avant ne participe plus au guidage du train. Ce sont désormais les tirants inférieurs longitudinaux qui héritent de cette tâche. Le train arrière reçoit une barre stabilisatrice (qui n'existe pas sur la XR3i). Le freinage est intégralement repris de la XR3i (disques ventilés avant et tambours arrière) seules les garnitures des plaquettes étant annoncées comme plus efficaces. Le freinage est mieux ventilé avec les conduits intégrés au spoiler. La direction est toujours à crémaillère mais est plus directe avec 3,5 tours de volant. Pour sa liaison physique avec le bitume les jantes alu de 15 pouces en 6x15 sont chaussées de performants Michelin MXV (ou des Dunop D4) en 195/50 VR15. Malgré toutes ces (légères !) améliorations l'Escort RS Turbo déçoit. Malgré son différentiel à glissement limité sur le train avant (une exception sur les tractions sportives de l'époque), l'Escort trouve encore le moyen de faire cirer ses roues avant, malgré un moteur très souple et progressif. La direction n'offre pas un feeling exceptionnel, qui, conjuguée à des amortisseurs très durs, ont vite fait de transformer une route bosselée en séance de rodéo sauvage. Obtenir une trajectoire d'esthète semble réservé à d'autres autos, tant les écarts sont fréquents lors des phases d'attaque. Ajoutez à cela un freinage plutôt médiocre et peu endurant et vous savez que l'Escort possède un gros cœur mais en demande également un à son conducteur… Avec un tel tableau, la première réaction serait de lui tourner le dos, mais contrairement aux apparences, l'Escort réussi tout de même à étonner, en grande partie grâce à son brio mécanique. Jean-Pierre Malcher dans Auto Hebdo qui chronométrait les autos sur le routier de Montlhéry avait tout de même réalisé un 2"59'10 (130,6 km/h), que seule la Supercinq GT Turbo avait devancé avec un 2"59'00 (130,7 km/h). A titre de comparaison, une Mercedes 190 2.3-16s dans le même exercice et le même pilote avait réalisé un 3"00'00. Comme quoi, l'impact d'un turbo et d'un poids réduit n'est pas mince..

 

ACHETER UNE FORD ESCORT RS Turbo Mk1


Il faudra déjà en trouver une, car si aujourd'hui les amateurs se souviennent certes des XR3/XR3i ou même des RS Turbo Mk2, les Mk1 blanches semblent souvent tombées dans les affres de l'oubli. Comme toute voiture rare et oubliée, trouver des exemplaires sains n'est pas chose facile. Il faut souvent être patient, et surtout à l'affût des modèles à vendre. Se renseigner auprès des clubs ou forums dédiés aux Ford sportives n'est pas du luxe. Jugée fiable, l'Escort RS Turbo Mk1 souffre généralement plus d'une absence d'entretien que de réelles faiblesses d'usage. Comme toute mécanique turbocompressée, l'usage d'une huile de qualité avec un respect des temps de chauffe avant d'attaquer est un minimum requis. La vidange des 4 litres d'huile doit être régulière, d'autant plus que c'est la même huile pour la boîte et le moteur. Dans les vrais faiblesses d'usage on notera une propension à rouiller de manière pernicieuse dans certains recoins. Avec en prime son kit carrosserie qui peut masquer quelques zones stratégiques, il sera indispensable d'être très vigilant même dans les recoins. Autre faiblesse, des silent-blocs de barres stabilisatrices qui souffrent beaucoup et ne sont pas des modèles du genre d'origine. La tête d'allumage peut présenter quelques signes de fatigue et plusieurs ont du être remplacées. Les prix pratiqués peuvent donc énormément varier. Comptez environ 4 000 euros pour une RS Turbo en bon état. Une auto incomplète ou à remettre en route nécessitera un budget additionnel non négligeable pour le prix des pièces car si tout est disponible grâce à nos amis anglais, les prix en revanche ne sont pas donnés.


:: CONCLUSION

 
Alors que pour tout le monde une GTI des années est une 205, une Golf ou une Supercinq, l'Escort RS Turbo n'est connue que des amateurs éclairés sur les GTI et les Ford sportives. A ce titre, la RS Turbo est une digne représentante de ce que Ford savait faire dans les années 80 : un bel emballage, une mécanique brillante mais un châssis pas à la hauteur. Dommage car avec des dessous aussi évolués que sa mécanique, l'Escort se serait certainement emparée de la catégorie GTI...

 

Source L'automobile Sportive.


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Commentaires: 2
  • #1

    luiggi 84 (mardi, 13 novembre 2012 19:20)

    oui je confirme une tres bonne voiture avec un train avant de rs1600i et le pignon de cinquieme qui lui donne une boite courte un plaisir de piloter une sportive de caractére mais trés joueuse

  • #2

    GARCIA65 (samedi, 16 mars 2013 09:03)

    une très très belle voiture qui marche très très fort d ailleurs j en une rs turbo et une xr3i !!!!